Cette analyse en deux parties explore le paradoxe de l’IA en entreprise. Elle fait suite à la première partie : pourquoi 95% des projets IA en entreprise échouent malgré l’engouement

Ce qui nous attend vraiment

La communauté technique s’accorde sur deux révolutions à venir : les modèles de raisonnement (type o1)² qui peuvent vraiment résoudre des problèmes complexes, o3 dépasse déjà 99,8% des développeurs sur Codeforce, et les systèmes agentiques³ capables d’autonomie réelle comme AlphaEvolve qui génère des découvertes mathématiques inédites. Mais l’enthousiasme reste mesuré. Un vétéran prévient : « On voit le même cycle qu’avec la RPA⁴. La technologie fonctionne, mais la préparation organisationnelle détermine le succès. » l François Chollet l’exprime autrement : les entreprises confondent la « poyvalence extraordinaire » des LLM due à leur mémorisation massive avec une vraie capacité d’adaptation aux problèmes nouveaux⁶. Le benchmark ARC-AGI le confirme : même GPT-4o n’atteignait que 4,5% de réussite sur des tâches d’adaptation réelle, loin de la performance humaine moyenne de 77%⁷.

Notre consensus pour les prochaines années :

  • 2025-2026 : Maturation des outils et optimisation des coûts, o4-mini offre déjà des performances comparables à o3 pour une fraction du prix
  • 2026-2028 : Déploiement production généralisé
  • 2028-2030 : Transformation sectorielle dans certains domaines

Avec les coûts des modèles qui chutent « d’un ordre de magnitude tous les 12 mois« , l’IA deviendra accessible à tous. La question n’est plus « peut-on se le permettre ? » mais « sait-on quoi en faire ? ».

Au-delà de la polyvalence : l’intelligence adaptative

Le véritable changement de paradigme ne réside pas dans la puissance brute des modèles, mais dans leur capacité à véritablement s’adapter. Les benchmarks comme ARC-AGI révèlent que la plupart des LLM actuels excellent dans la restitution de connaissances mémorisées mais peinent face à l’inédit. Les nouveaux modèles de raisonnement promettent de combler ce fossé, passant de systèmes qui « savent beaucoup » à des systèmes qui « apprennent vite ».

Pour l’entreprise, cela signifie moins de personnalisation coûteuse et plus d’adaptation naturelle aux processus métier. La question n’est plus seulement d’avoir une IA performante, mais une IA qui sait évoluer avec votre organisation.

Le vrai game-changer : le context engineering

IBM a introduit un concept qui fait mouche : le context engineering⁵. L’art de faire comprendre à l’IA les spécificités de votre organisation. Parce que non, ChatGPT ne connaît pas vos acronymes internes, vos processus maison, ou pourquoi Robert de la compta refuse systématiquement les notes de frais du vendredi.

Cette discipline émergente (structurer les prompts, gérer les contextes, optimiser les interactions) devient plus critique que le choix du modèle lui-même. Un praticien l’exprime parfaitement : « Le modèle ne connaît pas votre entreprise. Le context engineering comble ce fossé. » C’est la différence entre une « tête bien pleine » qui mémorise une grande quantité d’information et une « tête bien faite »⁶ qui s’adapte à votre contexte spécifique en fonction des informations qu’on lui présente.

Sans compter que les modèles de raisonnement avancés type o3 peuvent coûter plusieurs milliers d’euros par tâche complexe, un détail rarement mentionné dans les POCs. Les organisations qui réussissent définissent les KPIs avant, pas après, y compris les coûts cachés de production.

La question à 100 millions : faut-il y aller maintenant ?

La réponse de la communauté est nuancée. Oui, mais pas n’importe comment. Les retours d’expérience convergent vers une approche pragmatique :

  • Commencez petit, sur des cas d’usage back-office où le ROI est clair
  • Préparez vos données avant même de parler d’IA
  • Formez vos équipes à travailler AVEC l’IA, pas contre elle
  • Gardez le contrôle : hybride cloud/local, multi-modèles, pas de vendor lock-in
  • Mesurez vraiment : définissez les KPIs avant, pas après

Comme le montre ARC-AGI, “l’intelligence n’est pas ce que l’on sait, mais ce que l’on fait quand on ne sait pas”⁶, et cela commence par des fondations solides.

L’accompagnement, ce détail qui change tout

Les données parlent d’elles-mêmes : les solutions achetées réussissent à 67% contre 33% pour les développements internes¹. Pourquoi ? Parce que derrière une solution achetée, il y a souvent un accompagnement, une méthodologie, une expérience des écueils classiques.

Les entreprises qui réussissent ne sont pas celles qui ont la meilleure IA, mais celles qui ont le meilleur accompagnement pour l’intégrer. Elles ont quelqu’un qui connaît les pièges, qui a déjà vu les erreurs classiques, qui sait traduire entre le monde de l’IA et celui de l’entreprise.

Cette capacité d’évolution avec l’organisation, c’est exactement ce qui guide notre philosophie chez Acelys Services Numériques. Après 27 ans à accompagner des transformations digitales depuis Montpellier, certains patterns deviennent évidents. Les organisations qui réussissent suivent invariablement la même séquence : données d’abord, sécurité ensuite (notre certification ISO 27001 n’est pas un hasard), IA enfin. Notre équipe R&D, en collaboration avec le LIRMM, confirme ce que dit la communauté technique : sans fondations solides, même la meilleure IA s’écroule.

L’accompagnement n’est pas qu’une question d’expertise technique, c’est comprendre qu’entre un POC brillant et une transformation réussie, il y a surtout de la méthode et de l’expérience terrain.


Auteurs : 

Mikaël Coin-Mansogo Alo, Consultant Analyste Développeur

Théophile Mandon, Responsable R&D